Up until the 1960s, the figure and function of the artist were conceived in relation to a Romantic heritage that had been radicalised in the modern era, from Courbet onwards: the artist as marginalised individual, whose role lies outside bureaucratic norms and the “socio-economic machines of modern industrial production”. While he may have been directly affected by the capitalist laws of the art market, public taste and the more or less explicit censorship exercised in the name of the moral standards of the day, it was incumbent on him to stand free of these and ensure that his art did so, too. To be fully recognised and have a claim to historic status, art must exhibit its independence. This was the age of the avant-gardes. It was precisely this autonomy that the artistic production of the 1960s contested, redefined and reoriented.
With Minimalism and, above all, Conceptual Art, the work of art was understood as being, from its inception, part of a wider system of production and communication, as “inscribed in a certain social practice, even before its product is subjected to a defined social use”. This change of attitude should not be taken as signifying capitulation to the technical, technological or commercial laws of mass culture. On the contrary, by being a part of this the artist could make a more caustic analysis of the dominant system of the creation and redistribution of images, of codes and rules. This new position also enabled him/her to elaborate new aesthetic strategies: the analysis and ordering of alternative systems, the combination of images in accordance with a certain number of structural visual rules, an ironic play on social codes, investigation, seriality, parallel circuits of information, etc. Bureaucracy, law, economics, urban development and science were now directly enrolled into artistic production.
Stéphane Sautour’s work comes out of this break. It draws on powerfully codified systems that immediately inscribe it in a pre-existing network of signs, forms and meanings such as robotics, astrophysics, behavioural science and arms technology. Everything or almost everything in Sautour’s work comes from an immediate yet critical, internal yet mediated relation to sciences and what they inspire, from which he borrows formal, logical, semiotic or linguistic structures, which he treats as a simple system of codes. Science is a given that must be taken up, deciphered and disarmed. It is, par excellence, the modern, positivist apparatus for comprehending and gaining access to the world, but in the end it is simply a pretext: it is above all an organ of power that imposes its norms, its truth.
Every system can be described as being based on a binary relation (presence/absence, inclusion/exclusion, action/inaction, etc.). With Sautour, this binarity becomes legible in his strategy of montage. The work is structured by association, contiguity and metonymy involving regimes of belief, and therefore technologies and languages, often mutually discordant ones. Their relation is not one of succession; rather they form a fabric, in a relation not of negation but of transition and modification. This fold-like construction is manifest, notably, in the collision between what inspires the work and what is used to give it shape. Sautour makes aesthetic machines out of paradoxes and inversions – spiders without webs, handmade industrial objects, rootless plants, synthetic meteorites and dubious coexistences.
He thus reduces the irreducible and freezes objects in a suspended state of probability that is twisted and conceptually baroque. The work, while born of a codified and pre-existing norm, perverts that norm and informs it differently and in new ways. It presupposes a constant disjunction with what constitutes it. That is why a work by Sautour offers itself as a blighted image, recognisable but new. The ethic here is one of perversion and pastiche, the strategy a viral one in which information is as much borrowed as produced, as much productive as it is produced.
Stéphane Sautour works from within on the circuits of a society of control, analysing it through social codes and collective imagination, especially as conveyed by the sciences and their fictions. In doing so, he deconstructs the policing aspect and the mechanisms of domination. The works assert themselves with the oblique obviousness of rumour. By pushing systems to their limits, they construct a zany dynamic of twisting the real. The play on materials is met by puns, conflated references and playful observations of contemporary absurdity. If Philip K. Dick and William Gibson inspired some of these works and their titles, then a Kafkaesque humour is also very much in evidence. For at bottom, as with Kafka, we would be missing the point of Sautour’s works if we failed to pick up on their funny side.
See Boris Groy, “The Mimesis of Thinking”, in Open Systems (Tate Publishing, 2005), 51–63
Boris Groy.
Vincent Honoré, Curator / Tate Modern
See Boris Groy, “The Mimesis of Thinking”, in Open Systems (Tate Publishing, 2005), 51–63
Boris Groy.
Jusqu’aux années 60, la figure et la fonction de l’artiste s’appuient sur un héritage romantique que la période moderne va radicaliser : l’artiste est un individu marginalisé. Son rôle se conçoit en dehors des normes bureaucratiques, en dehors des « machines socio-économiques de la production industrielle moderne (1) ». Il est celui qui crée seul, à part, inaliéné. Il subit une dépendance directe aux lois capitalistes du marché de l’art, au goût du public, à une censure plus ou moins explicite au nom des normes et des valeurs morales du moment, mais son rôle est de s’en détacher et d’en libérer son art. Pour être pleinement reconnu et prétendre à l’historique,l’art expose son indépendance : c’est l’âge des avant-gardes. C’est précisément cette autonomie
que la production artistique des années 60 conteste, redéfinit et réoriente.
Avec le minimalisme et l’art conceptuel, l’oeuvre d’art est comprise cette fois comme faisant partie - dès son origine - d’un système de production et de communication plus large, comme issue et dirigée par un système général, comme « inscrite dans une certaine pratique sociale, même avant que son produit ne soit soumis à un usage social défini (2) ». Il ne faut pas comprendre ce changement d’attitude vis-à-vis du ou des systèmes comme un acte de capitulation par rapport aux lois techniques, technologiques ou commerciales de la culture de masse. Au contraire, ce changement permet à l’artiste une analyse plus caustique du système dominant de création et de redistribution des images, des signes, des codes et des règles normatives. De cette attitude nouvelle, plusieurs stratégies esthétiques se sont développées : analyse des systèmes visuels et combinaison d’images selon un certain nombre de règles structurantes (John Baldessari, John Hilliard), développement de systèmes alternatifs, mystiques ou utopiques (Lygia Clark, Joseph Beuys), jeu, ironie avec les codes sociaux et les normes de valeurs (Marcel Broodthaers).
C’est de cette rupture dont est issu le travail de Stéphane Sautour. Il puise dans des systèmes fortement codés qui d’emblée inscrivent l’oeuvre dans un réseau de signes, de formes et de significations préexistant. Robotique, botanique, astrophysique, biologie, science-fiction, science du comportement, armement : la science est un prétexte parce qu’elle est un système de codes, un donné dont il faut s’emparer, qu’il faut décrypter et désarmer. Un donné qui est le système moderne et positiviste par excellence de compréhension et d’accès au monde, tout autant qu’il est un organe de pouvoir. Un donné qui se donne comme la norme et le vrai : système formel, logique, sémiotique ou linguistique, tout découle chez Stéphane Sautour d’un rapport à la fois immédiat mais critique, interne et médiatisé à une science ou à ce qui s’en inspire. Tout système peut être décrit comme utilisant un rapport binaire : présence / absence, inclusion / exclusion, communication / non-communication, action / inaction, etc. La binarité chez Sautour apparaît via des stratégies de montages, de détourages et de greffes, non plus dans un rapport seul de successions mais dans un tissu de coexistences, de fondus, dans une relation non de négation mais de variations, de transitions, de réitérations et de modifications.
L’oeuvre se structure en associations, contiguïtés et métonymies avec des champs culturels, des techniques et des langages formels souvent discordants : Stéphane Sautour crée des machines esthétiques où le paradoxe et l’inversion sont cruciaux. Ce processus de pli entre les notions qui inspirent l’oeuvre et les techniques opposés qui la mettent en forme fige les objets dans un état suspendu de probabilité, conceptuellement baroque, en torsade. Le paradoxe et la contradiction court-circuitent le système logique et scientifique qui inspire l’oeuvre, tout en en adoptant la mécanique de domination. L’oeuvre, si elle nait d’une normes codifiée et préexistante, la pervertit et l’informe de nouveau et autrement. Elle suppose une disjonction constante d’avec ce qui la constitue. C’est pourquoi une oeuvre de Stéphane Sautour s’offre comme une image malade, schizophrène, reconnaissable mais nouvelle. Il s’agit là d’une éthique de la perversion et du pastiche, d’une stratégie de virus où l’information est autant empruntée que produite, autant produite que productrice. L’intéraction avec leur spectateur, le rapport ludique et drôle, l’absurde et l’humour au coeur de cette production ne viennent donc pas du simple collage d’éléments antagonistes, mais de la mise à nu de systèmes logiques et formels communs. De l’intérieur, Sautour travaille les circuits d’une société de contrôle dont il dévoile le jeu policier. Ce qui à la fois signe un processus de création individuel en même temps déconstruit les modes opératoires d’institutions sociales et de règles collectives. Renversement : le particulier est appliqué au général. Alors, plus que Philip K. Dick ou William Gibson, c’est finalement d’avantage Kafka qui vient à l’esprit.
Vincent Honoré, Curator / Tate Modern
See Boris Groy, “The Mimesis of Thinking”, in Open Systems (Tate Publishing, 2005), 51–63
Boris Groy.